Comment concilier confinement et « visite médicale » obligatoire ?

Concilier visite médicale et confinement - Covid-19- Guichet expert

Ecrit par Laure SARECH

Avocat en droit du travail - Cabinet SARECH & PCHICBICH
26 Avr, 2020

 

Comment concilier confinement et « visite médicale » obligatoire ?

 

Qui dit confinement, dit télétravail ou activité partielle, pour la majeure partie des salariés en France.

Comment respecter, dans cette situation d’isolement salvateur, les obligations issues du code du travail précisément conçues pour assurer la santé des Salariés, mais qui les obligent à se déplacer chez un professionnel de santé ?

Comment rester chez soi tout en respectant les visites et examens médicaux obligatoires dont l‘organisation pèse sur l’employeur ?

L’état d’urgence sanitaire décrété par Ordonnance aménage-t’il l’obligation de sécurité auquel est tenu l’employeur en matière de prévention et santé au travail ?

Sans « visite médicale d’embauche » ou visite de reprise après un arrêt de travail, par exemple, faute de médecin du travail ou faute de pouvoir se déplacer, un salarié peut-il occuper un emploi ou reprendre son poste, en télétravail ?

 

Rappel des obligations de l’Employeur pour la visite médicale

Le code du travail impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés. (Article L.4121-1 du code du travail)

Ces mesures comprennent :

      1. Des actions de prévention des risques professionnels
      2. Des actions d’information et de formation;
      3. La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.

Parmi les mesures pour assurer l’effectivité de cette obligation, le code du travail prévoit que tout travailleur, quel que soit son statut ou son contrat de travail, bénéficie d’un suivi individuel de son état de santé assuré par le médecin du travail et, sous l’autorité de celui-ci, l’équipe pluridisciplinaire en santé au travail.

    • « Tout travailleur bénéficie d’une visite d’information et de prévention », réalisée par un professionnel de santé « dans un délai qui n’excède pas trois mois à compter de la prise effective du poste de travail » (article R4624-10 du code du travail) ;
    • Le salarié bénéficie d’un examen de reprise du travail par le médecin du travail :

– après un congé de maternité ;

– après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

– après une absence d’au moins 30 jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel. (article R 4624-31 code du travail).

Dès que l’employeur a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l’examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise.

    • Le travailleur bénéficie, à sa demande ou à celle de l’employeur, d’un examen par le médecin du travail. Le travailleur peut solliciter notamment une visite médicale, lorsqu’il anticipe un risque d’inaptitude, dans l’objectif d’engager une démarche de maintien en emploi et de bénéficier d’un accompagnement personnalisé.

 

Quel sont les prolématiques que cela entraine pour l’employeur en période de confinement ?

Non seulement l’employeur doit mettre en place des visites et examens médicaux auprès des services de santé au travail, mais il doit le faire dans un délai fixé par le code du travail.

Or ces délais qui se comptent en année, mois ou parfois en jours, peuvent survenir et expirer durant le confinement…

A titre d’exemple, un salarié doit reprendre son poste après une absence dû à un arrêt maladie de 2 mois.

Compte tenu du confinement, son poste est aménagé en télétravail. Il doit normalement pour reprendre son poste, subir un examen médical dans les 8 jours de la reprise.

Or, ce délai court, déjà difficile à respecter en temps normal, l’est plus encore, en période de confinement sanitaire.

En outre, comment obliger le salarié à se déplacer pour subir cet examen, est ce vraiment dans son intérêt et de nature à assurer sa santé alors que potentiellement il l’expose davantage à un risque de contamination au COVID-19, que s’il restait confiné ?

 

Quelle solution peut adopter l’employeur pour satisfaire à l’obligation des visites médicales en période de confinement ?

La solution est apportée par l’ordonnance n° 2020-386 du 1er avril 2O2O et le décret n° 2020- 410 du 8 avril. (www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041776887 et www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041789669)

L’article 3 de l’ordonnance du 1er Avril 2020 pose le principe du REPORT des visites et examens médicaux qui auraient du être réalisé à compter du 12 mars 2020.

L’ordonnance prévoit ainsi que :

    • ce report ne fait pas obstacle à l’embauche ou à la reprise du poste
    • l’ordonnance est applicable jusqu’au 31 aout 2020
    • les visites reportées après cette date seront organisées au plus tard le 31 décembre 2020

Le principe du REPORT est toutefois atténué par la possibilité pour le Médecin du Travail d’estimer indispensable de maintenir la visite compte tenu de l’état du travailleur et y des caractéristiques de son poste de travail (article 4 du décret)

 

Les cas de visite dont le report est possible

Le décret du 8 avril précise que le report est en principe applicable notamment :

    • Aux visites organisées dans le cadre d’une embauche,
    • Aux visites de reprise après une absence ( articles R 4624-10 et R4624-16 du code du travail)

 

Reports exclus par principe pour les salariés suivants :

Le report n’est en revanche pas applicable notamment :

    • Aux visites concernant les travailleurs handicapés
    • Aux mineurs
    • Aux titulaires d’une pension d’invalidité
    • Aux femmes enceintes, venant d’accoucher ou allaitantes
    • Aux Travailleurs de nuit

La protection rattachée à ces catégories de salariés est renforcée et l’état d’urgence sanitaire n’est pas une exception suffisante pour y déroger.

 

Report exclu selon l’appréciation du médecin

Enfin, le Médecin du Travail peut estimer indispensable de respecter l’échéance normale résultant du Code du travail.

Le Médecin prendra sa décision de ne pas reporter compte tenu des informations dont il dispose sur :

    • l’état de santé du salarié,
    • des risques liés au poste de travail ou
    • des risques liés à ses conditions de travail.

Le médecin pourra également fonder sa décision sur la base d’éléments recueillis au cours d’échanges réalisés par tout moyen avec le salarié et l’équipe de santé.

Dans cette hypothèse, l’employeur ne pourra pas se prévaloir de la faculté de report instaurée par l’Ordonnance.

En conclusion, pas d’obstacle à confirmer une prise de poste ou une reprise de poste, du seul fait que la visite ou l’examen par les services de santé au Travail ne peut pas être organisée !

Dans cette hypothèse l’employeur appréciera de savoir qu’il ne met pas en danger la santé de son salarié et qu’il n’engage pas sa responsabilité pour violation de son obligation de sécurité en n’organisant pas un tel examen, du seul fait de ne pas organiser la visite ou l’examen « obligatoire » !

Si vous avez des questions, ou que vous souhaitez êtres mis en relation avec un avocat en droit du travail, n’hésitez pas à contacter le Guichet Expert.

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