Licenciement pour motif économique : comment ça marche ?

Licenciement pour motif économique

Ecrit par Laure SARECH

Avocat en droit du travail - Cabinet SARECH & PCHICBICH
14 Sep, 2020

Je dois licencier pour motif économique oui mais comment faire ?

Malgré la mise en place de l’activité partielle (chômage partiel), les aides et l’espoir d’un retour à la normale, d’ailleurs sans date, la décision de se séparer de collaborateur(s) pour licenciement pour motif économique est parfois incontournable.

Si le motif semble évident, compte tenu de la perte de chiffres d’affaires notamment pour insuffisance d’activité subie par de nombreuses entreprises, la procédure et des règles doivent être respectées, à défaut le licenciement pourrait être valablement contesté devant le conseil de prud’hommes malgré un contexte économique incontestable.

Pour éviter le risque de condamnation pouvant grever plus encore les budgets, voici quelques notions et précisions indispensables à tout chef d’entreprise qui souhaite mettre en place la décision tant redoutée…mais nécessaire, celle de rompre un contrat de travail pour motif économique.

Classiquement un licenciement doit reposer sur un motif (personnel/économique) et être organisé selon une procédure (licenciement individuel ou collectif).

Il faudra veiller à caractériser le motif économique et suivre la procédure conformément au code du travail.

 

Le motif économique du licenciement

L’article 1233-3 du code du travail définit le licenciement pour motif économique comme le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment:

  1. A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. …/…
  2. A des mutations technologiques;
  3. A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité;
  4. A la cessation d’activité de l’entreprise. …/… .»

L’article 1233-3 du code du travail précise la notion de « baisse significative » des commandes ou du chiffre d’affaires qui « est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à:

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus;

En clair lorsque le Chiffre d’affaire d’une entreprise comptant moins de 11 salariés, baisse durant un trimestre par rapport à l’année précédente, le motif des difficultés économiques est caractérisé par une baisse significative.

 

Une baisse de CA pendant un trimestre : condition nécessaire et suffisante ?

Ainsi les TPE qui ont vu leur chiffre d‘affaire baisser par exemple sur la période de mars à juin 2020 par rapport à mars/juin 2019, sont a priori en mesure de rapporter la preuve d’une baisse significative d’un indicateur économique caractérisant valablement des difficultés économiques de nature à fonder un licenciement pour motif économique.

Outre cette cause économique (la baisse de chiffre d’affaire sur un trimestre par exemple), il faut montrer que cette baisse engendre une conséquence sur l’emploi, par exemple la suppression de tel poste ou la réorganisation d’un service (le niveau d’activité nécessite d’adapter le niveau des emplois).

Il pourrait aussi s’agir d’une transformation de l’emploi, de son aménagement etc.

Cependant, le motif économique (à la fois cause économique et conséquence sur l’emploi) n’est pas tout, il ne suffit pas !

 

L’employeur doit démontrer que le licenciement est la seule option adaptée.

Ainsi la condition préalable à la décision de licencier : pas de formation, d’adaptation ou de reclassement possible…

Pas d’alternatives possible en formation, adaptation ou reclassement

L’article 1233-4 du code du travail précise que le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. …/…

L’employeur doit également démontrer qu’il a appliqué des critères d’ordre de licenciement permettant d’identifier le(s) salarié(s) licenciable(s).

 

Application des critères d’ordre

L’idée est la suivante : parmi les membres du personnel quels sont ceux qui doivent être le plus protégés contre le licenciement.

Par exception, l’obligation d’établir un ordre des licenciements ne s’impose pas :

  • en cas de fermeture de l’entreprise
  • si tous les emplois d’une même catégorie professionnelle sont supprimés, par exemple si le salarié concerné est le seul cadre de l’entreprise
  • lorsque les licenciements concernent les salariés ayant refusé une modification du contrat de travail proposée à tous

 

Détermination des critères énumérés par les articles 1233-5 du code du travail et suivants :

  • Charges de famille (en particulier celles des parents isolés),
  • Ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise,
  • Situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment des personnes handicapées et des salariés âgés,
  • Qualités professionnelles appréciées par catégorie.

 

Mais cette liste légale, non limitative, peut être complétée par d’autres critères.

 

L’employeur peut également en privilégier certains ou les pondérer à condition de prendre en considération l’ensemble des critères légaux.

Pour apprécier la compétence, l’employeur doit se fonder sur des éléments objectifs et vérifiables.

Il est accompagné par les institutions représentatives du personnel quand elles existent.

Lorsque la décision de licencier est la seule alternative, et que l’application des critères permet d’identifier valablement le(s) salarié(s) licenciable(s), il convient de respecter la procédure de licenciement édictée par le code du travail.

 

Quelle est la procédure de licenciement à mettre en œuvre?

La procédure diffère selon le nombre de licenciements envisagés et l’effectif global de l’entreprise, le principe étant que plus le nombre de suppressions envisagées est élevé, plus l’employeur doit faire d’efforts et présenter des garanties dans son projet de restructuration, de surcroit si son effectif initial est supérieur à 50 salariés.

  1. Licenciement individuel (1 seul salarié licencié),
  2. Licenciement collectif de – de 10 salariés sur 30 jours dit « petit licenciement collectif »
  3. Licenciement collectif de + de 10 salariés.

NB : Le licenciement collectif de plus de 10 salariés ne sera pas évoqué dans le présent article.

 

Pour un seul licenciement individuel pour motif économique

Il faudra impérativement respecter 3 étapes, l’organisation d’un entretien préalable avec une convocation écrite, étape obligatoire dans tous les licenciements individuels.

Il faudra à cette occasion évoquer le dispositif POLE EMPLOI appelé contrat de sécurisation professionnelle (https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F13819).

Une fois la rupture du contrat de travail pour motif économique notifiée, il faudra informer la DIRRECTE ( https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F24648)

 

Pour un petit licenciement collectif pour motif économique

Avant les 3 précédentes étapes, il convient de consulter le CSE tant sur le projet de réorganisation, que sur les critères d’ordre, les conséquences en terme d’emploi et les mesures d’accompagnement accordées aux salariés licenciés.

NB : de façon volontaire, le présent article destiné aux TPE/PME, n’évoque pas la situation des entreprises soumises au congé de reclassement.

Dans tous les cas, les salariés licenciés bénéficient d’une priorité de réembauchage (article 1233-45 C. du travail)

 

L’importance de la lettre de licenciement

Les efforts de l’employeur pour procéder à des licenciements économiques conformes à l’esprit du code du travail ne doivent pas être ruinés par une rédaction malencontreuse et imprécise de la lettre de licenciement.

En effet, elle sera le principal document que les juges examineront en cas de contestation.

Il est donc fortement recommandé d’être accompagné tout au long d’une part du processus de mise en œuvre de la décision de licenciement et d’autre part de rédaction de la notification de la rupture du contrat de travail, par un avocat en droit du travail.

L’exposé ci- dessus est en effet une version raccourcie et très simplifiée du processus global à mettre en œuvre lorsque la décision de licenciement pour motif économique doit être prise.

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